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Cette partie présente les textes choisis pour l'album "Sur les Chemins d'Albert Bausil".

 

Ce sont les textes intégraux.

 

Pour des raisons de musicalités, de longueur, de rythme et d'actualisation de certains termes (dont le sens est aujourd'hui connoté), nous nous sommes permis quelques libertés d'adaptation (avec l'accord des ayant-droit) en veillant à respecter le sens et l'esprit du texte initial et, bien évidemement leur auteur. Merci.                                                     

 Hugues.

Mon pays !

 

Mon pays, c’est mon ciel, ma ville, ma grand ’route

c’est le clocher qu’on voit de loin, quand on revient,

c’est le dîner qui fume et c’est l’âne qui broute,

tout le décor qui se souvient !

 

Mon pays, c’est ce mas ombragé de platanes,

c’est la garrigue et ses buissons de romarin,

ce sont les cris de la hurlante tramontane,

la voix triste du vent marin.

 

Mon pays, c’est la mer, la vigne, la montagne,

les cyprès bleus où les moineaux vont se blottir,

les pommiers du Conflent, les blés de la Cerdagne,

les cerisiers du Vallespir !

 

Mon pays, coiffé de ses tuiles vives,

c’est l’automne roux, clair et triomphal,

c’est l’hiver traînant des roses hâtives

sous les chars joyeux de son carnaval ;

 

c’est le doux printemps de l’heureuse Albère

où l’on voit des bois de micocouliers,

des pêchers fleuris dans tous les halliers

et des mimosas dans les cimetières !

 

Mon pays, c’est ça, ce sont ces trésors,

ces sommets neigeux, ces plages vermeilles,

c’est ce Roussillon des fruits et des treilles

jeté sur la mer comme un bouquet d’or.

 

-Et mon pays, c’est toi, toi ma petite amie !

ta chanson, ta gaîté, ta voix, ta bouche en fleur,

tes yeux brûlants qui font du soleil sur ma vie,

tes cheveux noirs qui font de l’ombre sur mon cœur…

 Cette strophe a fait l'objet d'une coupe   (1 vers sur 2) et elle devenue un refrain.

Poèmes d'amour et d'automne - 1929 - Chansons du Roussillon

     La terrasse au soleil

 

Comme tous, j’ai rêvé de conquérir la Ville.

J’avais vingt ans. J’avais une âme de vainqueur.

Je croyais arracher à la Gloire indocile

Tous les baisers, tous les lauriers et tous les coeurs.

 

Chaque jour, éveillé par l’appel des chimères,

Je frémissais d’impatience sur mon seuil.

Paris m’apparaissait, là-bas, dans ses lumières,

Comme une citadelle ouverte à mon orgueil.

 

De triomphes parmi la foule qui m’acclame

Et de la griserie exquise des encens

Je m’enivrais déjà. Je portais dans mon âme

Des rêves fous d’imperators adolescents.

 

-Un soir, que fatigué d’espérer et d’attendre

J’étais allé m’asseoir sur la route d’été,

Une enfant a passé, grave, amoureuse et tendre...

Mes yeux ont rencontré ses yeux. Je suis resté.

 

Alors, pour moi, la gloire a perdu son mirage.

Mes espoirs ont fleuri vers une autre clarté ;

Je n’ai plus eu devant ma foi que son image,

Je n’ai plus eu d’autre flambeau que sa beauté.

 

Et parmi la torpeur de la petite ville,

Près de la mer, parmi la lumière et les fleurs,

Je me suis endormi dans mon rêve tranquille,

Bercé d’insouciance et de calmes bonheurs.

 

Je suis resté. Les voix du sol et de la race

Ont retenu l’essor au moment de l’éveil.

Le Soleil a doré la treille et la terrasse,

Et j’ai chanté devant la Terrasse au Soleil.

Le mot "race" signifiait au début du vingtième siècle  "peuple". Compte tenu de sa connotation préjorative actuelle, le mot a été modifié en "grâce".

La Terrasse au soleil - 1921 - Ouverture

              Le Soir descend sur la Terrasse

 

Une ronde d’enfants qui se dénoue et passe

Jette des cris aigus sous le rosier tombant.

L’ombre de la glycine est fraîche sur le banc.

Le soir descend sur la terrasse…

 

Je ne veux pas me souvenir que des aurores

Ont enivré mes blonds éveils d’adolescent ;

Je n’ai pas de regrets si le soir qui descend

A des bruits de baisers sur les routes sonores.

 

Tant de bonheurs ont fait ma jeunesse ravie

Que je puis, maintenant, voir les soleils mourir.

Le reflet de mes joies et de mes souvenirs

Suffit à réchauffer le reste de ma vie !

 

Une image…une fleur…une lettre exhumée

Ressuscite pour moi tous les baisers défunts.

Je retrouve, en fermant les yeux sur un parfum,

Tous les parfums de tes cheveux, ma bien-aimée !

 

Ceux que j’aimais sont morts. Les enfants sont venus

Avec les mêmes yeux et le même sourire.

C’est dans l’âme de mon ami que je me mire,

Quand son fils vient à moi, des fleurs dans ses bras nus.

 

Il faut savoir vieillir. Il faut savoir atteindre

Sans regrets l’heure auguste et tendre de la nuit.

La nuit n’est pas la nuit, si l’étoile qui luit

Demeure une clarté pour l’œil qui va s’éteindre.

 

J’ai tellement cueilli de splendeurs printanières

Que mes jours à jamais en restent éblouis.

-Et tant que tu seras devant moi, mon pays !

N’aurai-je pas la fête immense des lumières ?

 

 

 

 

 

C’est à toi, Roussillon de mes jeunes ardeurs,

Des pourpres, des azurs, des roses et des neiges

Que je demanderai les derniers sortilèges

Qui donnent la jeunesse éternelle des cœurs !

 

C’est toi, forêt cerdane aux chapelles encloses,

Ermitage blotti dans la houle des pins,

Qui seras la sérénité de mes matins

Devant les champs dorés et les chapelles roses.

 

C’est toi, brun Vallespir aux fontaines d’idylle,

Qui sous tes chênes verts et tes oliviers bleus

Me donneras tes soirs profonds, harmonieux

Comme le chant de Séverac et de Virgile.

 

Et c’est toi, mer ardente, ô Méditerranée !

Argelès, Banyuls, Collioure au clocher d’or

Qui chanteras mes beaux étés, dans le décor

Des golfes de légende et de panathénée !

 

Je suis à toi, jardin natal, berceau vermeil !

A ton passé, ton sol, tes rythmes et ta race.

Les nuits peuvent bleuir l’ombre de la terrasse,

Mes yeux, en se fermant, garderont ton soleil.

 Cette partie devient le refrain et, pour des raisons de musicalité,  est déplacée d'une strophe.

Cette partie

 

disparaît

Ce texte est celui qui a reçu le plus de modifications. Il s'agit vraiment d'un travail d'adaptation pour une oeuvre musicale (sonorités, mise en place d'un refrain, rythme et longueur) - tout en respectant l'âme du texte et de son auteur...

La Terrasse au soleil - 1921 - Le soir sur la terrasse

  Le petit port au soleil

  (à Henry Muchard - Poète)

 

O mon pays ! Il faut te voir dans ton automne,

Quand le ciel est plus doux sur la pourpre des toits

Et quand le fin soleil de septembre frissonne

Sur la blancheur des mas et la rouille des bois…

 

Elne debout sur ses murailles triomphales,

Vallons de mon Albère aux contours onduleux,

Argelès, éblouissement des golfes bleus,

A travers les cactus et les oliviers pâles.

 

Et toi, plus coloré, plus lumineux encor'

Petit port chatoyant que la montagne entoure,

Beau vaisseau de clartés, proue ardente, Collioure

Qui cingles sur la mer avec ton clocher d’or,

 

Donne-moi ton refuge où les barques s’endorment,

Tes maisons qui dans l’eau font des roses reflets,

Et ta « placette » où s’agenouillent sous les ormes

Les ravaudeuses de filets…

La Terrasse au soleil - 1921 - Au Roussillon

     Ce sont des mimosas

 

 

Ce sont des mimosas et des fleurs d’amandier…

Recueillez-les comme l’offrande printanière

De mon pays qui fait des bouquets de lumière

Avec tous les bourgeons de ses moindres halliers.

 

Je les ai dérobés ce matin, à l’aurore,

Ces fleurs de mimosas et ces fleurs d’amandier…

Dans le chemin du pâtre et du contrebandier

A l’heure merveilleuse où l’Albère se dore.

 

Maintenant, le soleil de midi les inonde :

Voici les beaux présents que vous lui demandiez.

Ce sont des mimosas et des fleurs d’amandier…

La montagne éveillée en était toute blonde !

 

Vos bras nus referont le geste coutumier

Des porteuses de gerbe au matin des légendes.

Petite canéphore, effeuille tes guirlandes !

Ce sont des mimosas et des fleurs d’amandier…

La Terrasse au soleil - 1921 - Au Roussillon

Aux morts de mon Pays

(ou "Nos Morts")

...Vous n’aurez même pas de place au cimetière.

Vous êtes tombés, seuls, sur des champs inconnus.

Aucune main d’ami n’a fermé vos paupières.

On ne sait pas ce que vos corps sont devenus...

 

Quand Novembre viendra sur les grands jardins blêmes,

Quand la Toussaint fera tomber ses feuilles d’or,

Vos mères n’iront pas, avec des chrysanthèmes,

Pleurer devant la tombe où repose leur mort.

 

Vous ne dormirez pas en terre catalane,

Près du petit chemin paisible où nous passons,

Et le vent familier qui berce les platanes

Ne vous bercera pas de sa bonne chanson.

 

Inconnus, confondus dans l’immense hécatombe,

Nul ne peut, maintenant, vous sauver de l’oubli.

Le glas ne sonne pas pour un soldat qui tombe,

Et c’est le soir venu qu’on vous ensevelit !...

 

Sans cercueil, sans adieu, sans larmes, sans prières,

Sans le dernier baiser de ceux que vous aimez,

Sans la petite croix où s’enroule le lierre,

Dans la nuit, par les bois, sous la fange, dormez...

 

Dormez ! Votre sommeil est beau comme une aurore.

Demain, les angélus du bonheur sonneront ;

Vous ne serez pas là pour voir les blés éclore,

Mais ce sont vos épis que nous moissonnerons !

 

 

 

Le monde avait besoin pour que tout s’accomplisse

De son sang le plus pur et le plus vigoureux.

Vous êtes la rançon de ce grand sacrifice,

Et c’est par vous que nos enfants seront heureux.

 

De ce sang répandu dans les sillons d’éteules,

De ce ferment sacré monte déjà la fleur,

Et les peuples, un jour, assis autour des meules,

Béniront la besogne obscure du semeur.

 

Et nous, les survivants de la grange et de l’aire,

Nous qui recueillerons aux champs de l’avenir,

Le prix de ces printemps et de ces ossuaires,

Nous ne t’oublierons pas, martyr !

 

Nous ne t’oublierons pas. Dans la plaine arrosée,

Quand nous verrons le grand retour de Messidor,

Nous nous rappellerons que c’est votre rosée

Qui fit épanouir pour nous la moisson d’or.

 

Nous ne t’oublierons pas. Car c’est avec ton rêve

Que nous entrons vivants dans la réalité,

Que nous reforgerons le soc avec le glaive,

Et que nous cueillerons demain le blé qui lève

Dans les champs rajeunis de la fraternité.

Hymnes de France - 1915 - Poème dit par Madeleine Roch à la Comédie française le 18 novembre 1922

Hymne au Roussillon

 

Je t’aime pour ta plaine onduleuse et féconde,

Pour l’éclat de ton ciel, la tiédeur de ton air,

Ô Roussillon, blotti comme une crèche blonde

Entre la Montagne et la Mer !

 

Je t’aime pour tes champs où la luzerne pousse,

Pour tes forêts de pins où la lune s’endort,

Pour tes coteaux escaladés de vigne rousse,

Pour tes sommets irradiés de neige d’or !

 

Je t’aime pour les clairs villages que tu poses

Au bord des flots, le long de tes golfes latins,

Pour ton soleil qui fait chanter les tuiles roses,

Dans le rutilement joyeux de tes matins !

 

Je t’aime pour ta ligne souple de montagne,

Pour les vallons de ton Vallespir enchanté,

Pour les moissons de ta lumineuse Cerdagne,

Pour ton Albère heureuse où Virgile a chanté !

 

Pour tes commencements d’automne dans la plaine,

Lorsque les vendangeurs regagnent les maisons

Sur les lents chariots et les comportes pleines,

Debout dans la splendeur des rouges horizons !

 

 

 

 

Je t’aime pour ta race ardente, en qui ruisselle

Et bout le jeune sang des robustes espoirs,

Pour tes filles, qui sous les coiffes de dentelle

Ont le soleil enclos dans leurs yeux de jais noir !

 

Je t’aime pour tes soirs de fête, après la danse,

Lorsque les couples las, par les chemins ombreux,

S’égarent pour unir leurs bouches, en silence,

Dans la complicité des crépuscules bleus...

 

Je t’aime aussi pour tes romances populaires,

Musique qui m’émeut de son murmure ami,

Cantiques envolés d’un rêve de grand’mère

Qui voletez autour des berceaux endormis...

 

Quand le dernier sommeil aura clos ma paupière,

Lorsque j’aurai tracé mon suprême sillon,

Je veux que ma poussière unie à ta poussière

Dorme sous l’olivier natal, ô Roussillon !

 

Je veux que ma substance emmêlée à la tienne

Soit un ferment nouveau de ta fécondité,

Et je veux que ta voix méditerranéenne

Me berce dans la mort et dans l’éternité.

 

Pour des raisons de longueur et du sens (actuel) de certains mots, Cette partie

disparaît

La Terrasse au soleil - 1921 - Au Roussillon

Publié la première fois par la SASL (n°47) en 1906 signé sous le pseudonyme  "Guy de Morlaincourt"  et dédié à  .  .  .  Albert Bausil !

                   Voyages

 

Je n’ai pas fait, même en désir, le tout du monde.

Je suis resté chez moi, paisible et ignorant.

Je me suis contenté d’avoir la mappemonde

Sur ma table, entre Jules Verne et Paul Morand.

 

Rien que la terre. Et c’est bien vrai ! Rien que la terre,

Et que la mer, et que le ciel toujours pareils.

Toujours les mêmes paysages sans mystère,

Toujours les mêmes soirs et les mêmes soleils.

 

Je ne partirai pas pour les Indes profondes,

Pour les jardins des héroïnes de Loti.

Je ne verrai jamais les îles de la Sonde

Ni les colliers de fleurs des filles d’Haïti.

 

Je ne verrai jamais grandir sur l’océan

Ces villes d’ombre et d’or que les palmiers couronnent.

Je ne cueillerai pas les roses d’Ispahan

Ni les verveines bleues au balcon de Vérone.

 

Mais m’en suis-je créé, des ciels, des floraisons,

Des palais infinis où l’âme vagabonde,

Et m’en suis-je conquis des havres, des toisons,

Des forêts où chantaient tous les oiseaux du monde !

         

 

M’en suis-je rappelé des voyages d’amour,

De frémissants départs, de lyriques escales,

Et m’en suis-je ébloui, d’aurores boréales,

De flammes, de réveils, d’adieux et de retours !

 

Je te plains, visiteur des mornes capitales ;

Touriste insatisfait qui te traces, l’hiver,

Des paradis d’affiche et de carte-postale

Aux bornes de ton âme et de ton univers !

 

Ce matin, en ouvrant la lettre bleue et sage

Qui n’était qu’un morceau de ciel sur ma prison

J’ai fait le plus fervent, le plus ardent voyage

Vers le plus radieux de tous les horizons.

 

J’ai choisi librement la route la plus belle,

Je suis le pèlerin le plus halluciné,

Parce que, chaque jour, des étoiles nouvelles

Fleurissent pour moi seul un ciel imaginé.

 

Et parce que, sans but, sans boussole, sans voiles,

Mais, sous le pavillon de l’Indéterminé,

Je cingle avec amour, au gré de ces étoiles,

Vers les eldorados que je me suis donné !

 Cette strophe devient le refrain n° 1.

 Cette partie disparaît et est remplacée par le refrain n° 1.

Cette strophe  devient le refrain n° 2.

Voici un cas typique d'un texte qui a fait l'objet de modifications totalement liées à la musicalité des mots. La lecture d'un poème et le chant de paroles étant deux exercices très différents, un vers si beau soit-il peut devenir gênant à l'oreille dès lors qu'il est mis en musique.

Publié dans la Revue Tramontane  - 1942

  L'Offrande au Jardinier

 

 

Tu méritais de te survivre en cette image,

Dans une simple et lumineuse éternité,

Homme de mon pays, travailleur humble et sage,

Moissonneur inconnu des gloires de l'Eté !

 

Tu méritais ce buste, et ces chants et ces rimes.

Et toute cette joie éparse dans les coeurs,

Toi qui vécus courbé sans regarder les cimes.

Pour le simple plaisir de cultiver des fleurs.

 

Tu méritais cette petite apothéose,

Parce que tu vieillis sans désirs et sans bruit,

Toi qui mis ton orgueil dans l'éclat d'une rose

Et toute ta fierté dans la pourpre d'un fruit !

 

Tu méritais à tout cela de te soumettre,

Car tu ne savais pas, ô dieu terme mortel !

Qu'un jour on cueillerait ces fleurs que tu fis naître

Pour en faire une gerbe au pied de ton autel.

 

Je te salue avec mon âme catalane,

Frère fleuri du vendangeur et du berger,

Qui recueilles dans tes rudes mains paysannes

Les présents délicats et blonds de nos vergers !

 

 

 

           

 

 

Regarde ! C'est ta fête aujourd'hui, sur la terre.

La nature épuisée est lasse comme toi...

La vigne vierge et le mûrier pariétaire

Traînent comme un manteau fané de l'Eté-roi.

 

C'est l'automne sur les jardins et sur toi-même.

Le ciel a la douceur d'une robe de lin,

Et le cortège échevelé des chrysanthèmes

Epanouit pour toi les grâces du déclin...

 

Les femmes du Conflent reviennent des fontaines.

C'est la saison du calme et de l'apaisement,

La saison qui convient aux âmes plus sereines

Pour goûter ce ton exemple et ton enseignement

 

Vois ! le musicien, l'artiste et le poète

Sont venus t'arracher, ce soir, à tes sillons

Pour célébrer ces Géorgiques, car ta fête

Est la fête de la beauté du Roussillon !

 

Reste debout dans les clartés et dans les arbres,

Heureux parmi les soirs qui passent, et pareil

A ce grand Canigou de lumière et de marbre

De qui les neiges d'or chantent dans le soleil !

 

La Terrasse au soleil  - 1921 - Au Roussillon

Ecrit à Prades en octobre 1912 et dédié "au buste de l'Anton, jardinier catalan", Paru dans "La Revue Catalane - Tome VII" 1913 - Imprimerie Comet (Perpignan)

                   Stances

 

J’aurais passé ma vie à désirer des choses

Qui ne s’obtiennent pas,

A suivre, pas à pas, l’Oiseau bleu qui se pose,

Et me fuit, pas à pas.

 

J’aurais passé ma vie à poursuivre sans cesse

La volupté des jours,

A chercher la saveur, la brûlure ou l’ivresse

D’impossibles amours.

 

Mes yeux, mes pauvres yeux, émerveillés de vivre,

Se sont levés vers vous,

Promesses des printemps, des pays et des livres,

Et des yeux les plus doux !

 

Vous ne m’avez donné que la joie éphémère

De votre vision

Et ces clartés d’espoir qui rendent plus amère

La désillusion…

 

Et cependant ! j’avais la jeunesse et la flamme,

Et les rêves ardents,

Et je passais, rieur, sous les balcons des femmes

Avec des fleurs aux dents !

 

      

 

Si prompte à se blesser

,Que j’effrayais ceux qui m’aimaient et que ma mère

Tremblait de me laisser…

J’apportais à la vie une âme si légère.

 

Un jour, j’ai rencontré la petite sœur tendre,

Celle que j’attendais,

Celle vers qui, fervent et frémissant d’attendre,

Tout mon cœur se tendait.

 

Ce fut la vision éblouissante et brève,

L’instant auréolé…

-Quand j’ai rouvert mes yeux éblouis sur le rêve

Il s’était envolé…

 

Et les jours ont passé sur mon âme plus lasse,

Effeuillant les espoirs,

Et je sens, à présent, que chaque heure plus lasse

Me rapproche du soir,

 

Et que tous ces désirs, et que toutes ces choses

Dont je m’enivrais tant,

Ne seront plus, bientôt, qu’un automne sans roses

Pour les autres printemps !

Toute cette partie est supprimée

Nous savions que sur ce texte, la musique allait imposer un rythme lent. Afin que le morceau ne paraisse pas trop long, nous l'avons tout simplement coupé en 2.

La Terrasse au soleil - 1921 - Le soir sur la Terrasse

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